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Frédéric Médail, président du groupe de pilotage du projet Stoechas

Questions à Frédéric Médail

Frédéric Médail est écologue, biogéographie, professeur à Aix Marseille Université (IMBE)1.
Il est également membre du Conseil scientifique du Parc national de Port-Cros et président du groupe de pilotage du projet Stoechas. 

 Qu’est-ce qui a motivé le lancement du programme Stoechas ? À terme, quelle est l’ambition, la finalité du projet ?

Il est important d'avoir une meilleure connaissance de la biodiversité terrestre à l'échelle de l'aire optimale d'adhésion, sans oublier bien entendu les zones cœurs des îles de Porquerolles et de Port-Cros, afin d'en dégager les priorités de conservation.

L'ambition de ce projet novateur est de faire le lien entre les espèces animales (vertébrés et invertébrés) ou végétales (flore vasculaire, mousses, lichens) et leurs habitats afin de favoriser une approche écosystémique permettant de mieux préserver cette fragile biodiversité. Il s'agit par exemple de choisir des indicateurs biologiques aptes à estimer l'état de conservation d'écosystèmes très vulnérables comme ceux des dunes et arrière-dunes.

Le Parc conduit de nombreux projets, pourquoi celui-ci revêt, semble-t-il, un caractère prioritaire ? 

Ce projet était prioritaire afin de développer une analyse standardisée de la biodiversité terrestre dans toutes ses composantes - ou presque - notamment celle de nombreux groupes d'invertébrés qui restent bien méconnus et qui jouent pourtant un rôle essentiel dans le fonctionnement des écosystèmes. Songez que l'on ne connaît pratiquement rien sur les escargots terrestres, les hémiptères (punaises), les vers de terre et lombrics du territoire du Parc national !

Que représente ce projet pour le Parc national de Port-Cros ?  

C'est la première fois en 60 ans que le parc national conduit un tel projet d'envergure dédié à la biodiversité terrestre. La stratégie d'acquisition des données sur la distribution des espèces et de leurs habitats va permettre de bénéficier d'un état robuste des connaissances selon un maillage géographique cohérent. Toutes ces informations seront intégrées dans les bases de données et systèmes d'information géographique (SIG) de l'établissement. Ces connaissances acquises de façon standardisée seront essentielles pour mieux comprendre les trajectoires futures du milieu terrestre face aux changements globaux. Elles serviront à alimenter la stratégie scientifique du Parc national et à dégager les priorités de conservation.

► Quelle va être, selon vous, la principale difficulté dans la conduite de ce projet ?

Il faut à la fois considérer les multiples groupes d'invertébrés qui sont souvent difficiles à détecter et à déterminer, tout en échantillonnant le territoire de la façon la plus homogène possible, sans laisser de grosses "zones d'ombre". En ce sens, les territoires militaires, nombreux sur le territoire, abritent une biodiversité souvent méconnue ; il sera fructueux de développer des partenariats avec le ministère de la Défense, notamment sur l'île du Levant qui est très peu inventoriée comparativement à Port-Cros et Porquerolles.

En interrogeant les différents services et techniciens impliqués dans ce programme, on constate que le projet Stoechas répond à beaucoup d’attentes - et certaines de longue date - notamment sur la partie bibliographie - pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

En fait, il n'y a pas eu jusqu'alors de synthèse des données déjà collectées par le passé et disponibles dans la riche bibliographie ou les collections naturalistes éparpillées dans la France entière ; de multiples informations restent aussi éparses dans les carnets de terrain, les rapports non publiés et il est important de les regrouper, car même les plus anciennes données sont utiles pour estimer l'évolution des milieux naturels et leur biodiversité. Tous les agents du Parc national peuvent donc être impliqués, à des degrés divers, dans ce vaste projet !

► Qu’est-ce que le programme Stoechas va pouvoir apporter, non seulement au Parc national, à ses partenaires et, au-delà, à la communauté scientifique et à la population du territoire ? Est-ce que ce programme a valeur d’exemple ? Constitue-t-il un projet pilote ?

Ce projet a, en effet, aussi pour objectif de fédérer les acteurs institutionnels, les associations naturalistes et la population locale. Il y aura des journées collectives de prospections, un appel aux amateurs naturalistes, des échanges et restitutions destinés au grand public ; une école de terrain d'Aix Marseille Université (ITEM) est d'ores et déjà prévue cet automne et les étudiants de Master vont travailler à la mise en place de protocoles d'échantillonnages pour les invertébrés liés au littoral sableux.

Le thème de notre dossier (L’Attitude mer, terre & littoral N°30) est «La protection de la biodiversité toujours cœur de mission du Parc national de Port-Cros».Vous semble-t-il important de le rappeler ? Et si oui, pourquoi ?

Oui, cela doit rester la préoccupation majeure d'une aire protégée ! Si on doit le rappeler, c'est que de nombreux acteurs du territoire l'oublient trop souvent sans doute... Préserver des écosystèmes fonctionnels et une biodiversité en bon état de conservation c'est aussi garantir une belle diversité de milieux de vie pour l'homme. En ce sens, le projet Stoechas s'insère pleinement dans cette dynamique !

1. Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale.

2. Voir interview complémentaire de Samuel Pereira Dias, chargé de mission Stoechas.