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Bonus : D’hier et d’aujourd’hui 

"D’hier et d’aujourd’hui" vous emmène à la découverte du patrimoine de nos territoires et vous propose un éclairage sur des actualités artistiques et culturelles.

Une porte d'entrée sur le territoire

Inauguré en novembre, le fort restauré intègre une nouvelle Maison de parc national et un centre d'interprétation qui vise à donner aux visiteurs les clés pour une découverte éclairée du territoire.

 

 

Découvrez l’interview de Laurence Bonnamy

Cheffe du service Territoires Durables (en charge de l’aménagement, de l’architecture dont les travaux sur le patrimoine bâti, du paysage et de la transition dans le territoire du Parc national) et directrice du projet de restauration et de valorisation du fort du Pradeau.

Le fort du Pradeau

Un projet de restauration ancré dans l’avenir

Construite au XVIIe siècle, la redoute du Pradeau, appartient à l’État. « Elle a été transférée au ministère de la Défense qui l’a affectée au Parc national de Port-Cros le 20 avril 1977 dans l’objectif de l’ouvrir au public », explique Laurence Bonnamy.
« Un premier projet de restauration a été conduit dans les années 80 sous la maîtrise d’ouvrage de la direction régionale des Affaires culturelles et du ministère de la Culture ; l’architecte des Bâtiments de France de l’époque étant le maître d’œuvre. La finalité de ce projet ambitieux était déjà d’ouvrir le site au public, avec la création d’une salle d’exposition, mais aussi des logements, un souterrain... Finalement les travaux ont été arrêtés brutalement pour des raisons administratives et budgétaires. Les ouvrages en béton ont été abandonnés en l’état, à moitié exécutés et la restauration du corps de garde et du magasin à poudre est restée inachevée ».

« Un site stratégique pour le Parc national »

Architecte de formation, la cheffe du service Territoires Durables a pris son poste en 2002 au Parc national de Port-Cros. « Rapidement, je me suis attachée à sauvegarder deux forts : celui du Moulin à Port-Cros, classé Monument historique et celui du Pradeau sur la presqu’île de Giens, inscrit à l’inventaire des Monuments historiques. Ce dernier ne pouvait pas rester fermé indéfiniment. En effet, au Pradeau, la localisation est stratégique pour le Parc national. Parce que l’on se trouve dans le site classé, dans le périmètre de l’opération Grand site de France, sur la commune d’Hyères labelisée Ville d’art et d’histoire et dans l’aire d’adhésion du Parc national de Port-Cros. La reconfiguration du territoire du Parc comprend en effet aujourd’hui, non plus seulement les deux îles cœur de Parc, mais aussi l’aire d’adhésion dont fait partie la commune de Hyères. Situé à l’embarcadère des passagers qui partent pour Porquerolles, le site est une porte d’entrée du territoire et l’on peut y accueillir aussi tous ceux qui ne peuvent pas aller sur les îles.

Faire restaurer ce fort et l’aménager pour l’ouvrir au public comme le souhaitait l’État s’est donc imposé comme une évidence. Avec la volonté d’en faire un espace d’information qui vienne en complément de la découverte des îles et valorise l’ensemble du territoire de La Garde à Ramatuelle.

Ce fort c’est un balcon sur la mer, le pied à terre du Parc national sur le continent... son vaisseau amiral... Facilement accessible, et néanmoins ancré en mer.»

Les étapes du projet

Quelles ont été les étapes de ce projet ?
« J’ai débord réalisé une étude de faisabilité en 2004/2005 pour identifier ce qu’il était possible de faire sur ce fort en termes de surfaces, de projet et de budget. Ce travail a amené une première prise de conscience quant à la nécessité d’engager un projet.
Puis, en 2009, une étude de diagnostic des Monuments historiques a permis d’établir l’état sanitaire du bâtiment et de déterminer comment intervenir sur le site.

Le programme et le parti pris de restauration ont pu être définis. Il a ainsi été décidé de purger certains ouvrages réalisés - notamment en agglomérés - dans les années 80, de gommer les traces de ces travaux et d’opter pour une remise en état la plus originelle, fidèle à sa configuration du 19ème siècle.

On a choisi de réutiliser l’espace sous-sol qui avait été excavé lors de la première campagne de travaux, recréer la structure, et achever ce volume.
L’objectif a été de restaurer le monument selon les techniques traditionnelles et d’y associer la modernité.

Financement : un appel à projet « déclencheur »

Une fois les étapes du projet définies, manquaient les financements.
En 2017, la Région a lancé un appel à projets pour la valorisation des patrimoines militaires fortifiés de son territoire. « Nous étions éligibles, nous avons déposé un dossier et notre projet a été retenu. Il nous a permis d’obtenir un budget de 600 000 euros qui a été le déclencheur car il a ouvert la porte à d’autres financements. Au total, les différentes aides reçues de nos partenaires (1) ont permis de rassembler un budget de 2,7 millions d’euros autour de ce projet.

Un travail de groupe

Une équipe pluridisciplinaire de maitrise d’œuvre a été constituée composée d’un architecte du patrimoine : Jean Geitner ; d’une scénographe : Nathalie Chauvier de l’agence « Les Crayons » ; d’un muséographe, Michel Folliet, accompagnés par les bureaux d’études techniques, graphiste, concepteur lumière et autres prestataires.

Pour définir le contenu muséographique, une réflexion préalable a été menée à travers un comité scientifique constitué des différents acteurs culturels, des associations, ainsi que des représentants des collectivités territoriales et des référents thématiques du Parc national. L’idée générale étant d’identifier toutes les richesses que l’on souhaitait valoriser dans ce lieu... Choisir ce que l’on souhaitait montrer : quelles espèces, quels milieux... Et comment on les présente, avec quels dispositifs, selon quel objectif pédagogique ? C’est un travail colossal qui a été conduit avec les agents du Parc national, du Conservatoire botanique méditerranéen, des partenaires institutionnels, associatifs, des résidents, des experts et des scientifiques.

Un état d’esprit

Nous avons conçu un projet global. Lequel comprend donc la restauration du bâtiment dans le respect des techniques traditionnelles : maçonnerie en moellons de schiste, enduits à la chaux, encadrements et berceaux en brique, menuiseries en chêne, couverture en tuiles grand moule, etc. On a utilisé des matériaux respectueux du monument historique et qui font écho au territoire (chêne, liège).

À l’extérieur, nous avons redessiné tous les cheminements de manière la plus naturelle possible, en préférant, par exemple, des rampes aux ascenseurs pour l’accueil des personnes à mobilité réduite. Là également, les matériaux choisis font référence au vocabulaire militaire : platelage bois, serrurerie en métal.
L’objectif a été de respecter le site au niveau environnemental, en conservant au maximum la végétation et la faune locales présentes sur place. Nous avons choisi de ne pas restaurer certains murs afin de laisser les anfractuosités qui sont des habitats d’espèces, comme les reptiles et les chauves-souris. L’isthme a par ailleurs été renaturé.

Du point de vue développement durable, nous avons souhaité réaliser un projet économe en énergie et la citerne a été remise en état permettant de réutiliser les eaux pluviales. Parallèlement au projet architectural, nous avons mené un projet scénographique contemporain qui s’inscrit pleinement dans les volumes de l’édifice.

« Montrer ce qui ne se voit pas »

« L’idée c’est que cette Maison de parc soit un lieu d’accueil et d’information et que lorsque l’on sort de cet espace, à travers son contenu, on ait pu découvrir le Parc national dans sa globalité ; du point de vue géographique, mais aussi ses patrimoines naturel, terrestre et maritime, culturel (Monuments historiques, patrimoines immergés...) et ses usages (plongée, plaisance, pêche, etc.) Le tout permettant de donner du sens et d’inviter à la réflexion. »

Pourquoi avoir choisi « Rendre visible l’invisible » comme fil rouge de cette découverte ?
« C’est parce que l’on montre tout ce qui ne se voit pas : toute la connaissance acquise par le Parc national depuis sa création, les paysages et richesses du territoire, en particulier sous- marins ; les enjeux de la protection, l’interdépendance des milieux, les savoir-faire des habitants, l’histoire maritime de la rade, etc. Mais Le fort du Pradeau n’est pas un musée : ici, l’objectif est de donner aux visiteurs plusieurs niveaux de lecture... à travers les beaux monuments, les belles vues, les beaux espaces, les belles expositions et en expérimentant tous les dispositifs ludiques, interactifs, immersifs... jusqu’à découvrir ce qui relie le tout !

En partenariat avec la Région Sud PACA, le fort du Pradeau est l’un des cinq sites pilotes d’un itinéraire régional des sites d’exploration, de découvertes et d’innovations sous-marines. Des dispositifs permettant de valoriser le patrimoine immergé.

Une fois les autorisations - au titre de l’urbanisme, du site classé et du monument historique, obtenues, les travaux ont démarré fin 2020 et se sont achevés en octobre 2022. Les travaux ont été réalisés en interface avec la métropole Toulon Provence Méditerranée qui a requalifié l’isthme, l’espace portuaire et la gare maritime. L’ensemble du site de la Tour fondue est aujourd’hui reconverti.

Inauguré le 2 novembre dernier le fort du Pradeau a ouvert ses portes au public le 5 novembre. Il est géré par le Parc national de Port-Cros en complément de l’offre d’accueil présente dans les Maisons de parc sur les îles de Port-Cros et Porquerolles.

Le fort du Pradeau est une véritable porte d’entrée sur le territoire, de la terre vers la mer et des îles vers le continent. A l’aube de l’anniversaire des 60 ans de l’établissement public, le fort devient la vitrine du Parc national de Port-Cros, un lieu de partage et de médiation ».

Emmanuelle POUQUET

1. Les partenaires financiers du projet : L’État (Ministère de la Transition écologique, Plan de relance du gouvernement, DRAC (Direction Régionale des Affaires culturelles, DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement), la Région Sud PACA, la commune de Hyères, la métropole Toulon Provence Méditerranée, le programme européen Maritimo Neptune, et un mécène privé.

Dossier de présentation du fort du Pradeau

 

Imaginer un parcours de découverte autour du fort du Pradeau

C’est la mission des étudiants en licence Pro Tourisme de l’université de Toulon

Début octobre 2022, un mois avant l’ouverture du site, un groupe d’étudiants de l’université de Toulon-La Garde a été accueilli par le Parc national de Port-Cros au fort du Pradeau, accompagnés de leur professeur Valérie Michel-Fauré, docteure en histoire de l’art.
Ces étudiants – une douzaine – sont en 3e année de licence professionnelle « Métiers du Tourisme et des loisirs ». Ils suivent dans ce cadre un parcours « Géopolitique, innovations et développement durables », avec, notamment, un volet patrimoine et art prévu sur un trimestre, de septembre à décembre.

Les objectifs de ce module de formation ? Sensibiliser à la mise en valeur du patrimoine et des arts comme vecteurs d’identité touristique et de démarche culturelle, et développer des compétences dans le domaine de la mise en valeur du patrimoine.
En l’occurrence : savoir approcher, analyser, repérer et identifier les potentialités patrimoniales, mais aussi savoir mettre en place et construire les stratégies et outils méthodologiques. La finalité étant de devenir « concepteur et acteur de projets et parcours touristiques patrimoniaux et artistiques ».

Les étudiants accueillis au fort du Pradeau.
Valérie Michel-Fauré

Le Pradeau : une étude de cas concret

« Il s’agit pour eux de découvrir les différents types de patrimoine historique : naturel, matériel, immatériel à travers des études de cas, en cours et sur le terrain, précise Valérie Michel-Fauré. Dans ce même cursus, l’an dernier, les élèves ont travaillé sur un parcours de découverte de Toulon et un parcours devant relier trois sites de découverte patrimoniaux à Six-Fours. Cette année, on a ici un tel patrimoine naturel, culturel, et d’une telle qualité que l’on a voulu partir d’un engagement écologique citoyen, c’est-à-dire avoir une approche concrète de ce que peut être le tourisme durable à travers une expérience de terrain. Concrètement : je les incite à créer des parcours articulés autour de ressources touristiques locales et des ressources patrimoniales. ».
Le fort du Pradeau, constitue ainsi pour les étudiants une étude de cas concret.

« On a d’abord visité le site pour comprendre quels en sont les objectifs, les ressources et les enjeux... On va ensuite établir un diagnostic du territoire, à l’échelle de l’environnement immédiat, pour identifier les acteurs, les produits touristiques existant en matière d’hébergement, de restauration et d’activités ; mais aussi les lieux de visite et de découverte, comme les domaines viticoles, les monuments à visiter, etc. Le postulat de départ étant de réfléchir à intégrer la visite du fort du Pradeau dans un parcours de découverte plus large. » Parcours de découverte... à la journée, au week-end, en ciblant le public par
thématiques. « C’est un travail d’équipe qui va aboutir à une simulation de montage de produit. Cette formation très ciblée est le fruit d’un partenariat entre l’université de Toulon- La Garde et le Parc national de Port-Cros. »

Faire du lien entre la vieille ville et le Pradeau

Après cette visite, les étudiants ont eu le choix entre deux lieux : le chemin des paysages à La Garde et le fort du Pradeau à Hyères pour travailler sur une proposition de « Mise en tourisme » qu’ils ont présentée début décembre lors de l’examen marquant le terme du module. Parmi ceux qui ont choisi le Pradeau, une jeune étudiante espagnole en cursus Erasmus et très intéressée par l’aspect historique et le patrimoine bâti a imaginé intégrer le site dans un parcours de découverte partant de la vieille ville de Hyères où l‘on arriverait ensoirée pour dormir sur place et visiter la cité historique le lendemain matin. Puis se rendre au bord de mer, se baigner et déjeuner sur place, visiter le musée du Pradeau l’après-midi et prendre ensuite le bateau pour découvrir Porquerolles et pratiquer des activités sportives, comme le kayak, ou la randonnée. Une autre, a suggéré d’améliorer l’accueil à la Tour fondue hors saison, trouvant que le lieu manque d’attractivité pour les jeunes. Elle a imaginé l’installation d’un foodtruck pour les familles désirant grignoter sur place et estimant qu’il y a peu de transports en commun hormis la ligne de bus 67, réduite en hiver, elle a évoqué l’idée de navettes maritimes au départ du port d’Hyères mais aussi d’autres communes : Toulon, Le Pradet, Carqueiranne, etc.
Ces élèves vont ensuite devoir suivre un stage de six mois dans un établissement ou une structure touristique.
Nous avons rencontré deux d’entre eux.

E.P.

La parole aux étudiants :

Marion Boulineau. 20 ans. Artignac-sur-Verdon (83)

Je sors d‘un BTS Tourisme à Aix-en-Provence. Je souhaitais poursuivre en licence, d’une part parce que je suis intéressée par la notion de développement durable et parce que seul le niveau Bac + 3 est reconnu.
Je sais que je veux travailler sur mon territoire, c’est-à-dire au cœur du Parc naturel des Gorges du Verdon qui est un territoire très engagé sur la protection de l’environnement et le développement durable.

Le but de la visite du Pradeau, dans le cadre de notre projet, c’était de trouver une façon de mettre le fort en tourisme. On a donc analysé les points forts et ce qui peut être valorisé pour, ensuite, trouver une proposition qui permette de compléter cette découverte.
Le site m’a plu, j’ai beaucoup aimé l’aspect conception et présentation des éléments, c’est-à- dire la muséographie, mais pour des jeunes, je trouve la somme d’informations présentées dans la grande salle souterraine un peu dense. J’ai néanmoins choisi le fort pour mon examen final plutôt qu’un autre site, car j’ai été très intéressée par l’explication des démarches engagées par le Parc pour la protection de la biodiversité. C’est un lieu très inspirant.

Dans mon projet, j’ai imaginé valoriser la terrasse par des expositions, notamment sur les cétacés que l’on peut voir dans les eaux du Parc. »

Elhadji Seck. 31 ans. Hyères (83)

Je suis arrivé du Sénégal en 2018. J’ai fait une licence d’Espagnol et si je me suis inscrit en licence L3 à l’université de Toulon, c’est parce je suis très intéressé par le tourisme, et que j’aimerais y faire carrière. Peut-être dans l’hôtellerie ou comme guide touristique. L’objectif de cette visite du musée du Pradeau était de découvrir un patrimoine militaire, l’histoire du lieu et de rencontrer des professionnels qui travaillent autour de cet outil.

Ce qui m’a le plus marqué c’est le fait qu’il s’agit d’un bâtiment très ancien, mais j’ai surtout été impressionnée par la position du fort, qui avance sur l’eau, comme une île tout au bout d’une terre. Moi j’ai choisi de travailler sur la notion de paysages sur le rapport entre paysages et tourisme, comment on met en valeur un paysage et comment on trouve des solutions pour faire coïncider l’offre et la demande. Au Pradeau, ce qui me semble important c’est la notion d’héritage culturel, parce que cela permet au visiteur de découvrir à travers des sites historiques les caractéristiques, l’âme d’un pays ou d’une région.
Je travaille déjà comme intérimaire dans une grande résidence touristique hyéroise, j’espère pouvoir y faire mon stage de fin d’études et, pourquoi pas, rester travailler ici.