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Bonus : L'Effet Parc

La rubrique "L'effet Parc" propose un focus sur les actions pérennes et structurantes en faveur de l’environnement mises en œuvre par les partenaires du Parc, avec l’appui de l’établissement.

Découvrez l'interview d'Annie Aboucaya

Référente flore du Parc national de Port-Cros

« Le Levant : une biodiversité très originale au sein des îles d'Hyères »

Quand le Parc national de Port-Cros a-t-il commencé à s’intéresser au patrimoine naturel de l’île du Levant ?

« Des recherches scientifiques ont été menées au Levant dans les années 70 par le professeur André Lavagne, botaniste et phytogéographe, dont les travaux portaient sur les cartographies végétales. Mais la plus ancienne mention connue de prospection sur l'île est due au botaniste Casabon, qui a découvert sur place puis décrit le grand Chardon de Casabon dès 1590 !1 .

« Pour ma part, j’ai fait ma toute première visite sur l’île en 1983, durant mes années d'études universitaires, avec Louis Olivier créateur et directeur du Conservatoire botanique national méditerranéen. Mais je dois dire que si j'ai pu aussi bien travailler là-bas dans les années 90, c'est également grâce à la présence sur place d'une habitante d'Héliopolis passionnée par la nature et sa protection : Mme Claude Teilhol. Très active dans la préservation des milieux, elle donnait des conférences de sensibilisation sur la flore et la faune de l'île, tenait des expositions photos et m'accompagnait sur le terrain, y compris en zone militaire. C’est elle qui est à l'origine de la création de la réserve biologique des Arbousiers de 17 hectares sur Héliopolis. Un espace de nature à l’état pur entre le village et le domaine naturiste... un véritable poumon vert. »

Des ambiances végétales très différentes entre les îles

« Ce qui est passionnant avec l’archipel des îles d’Hyères c’est que l’on est en présence de trois îles très complémentaires, avec des milieux et des ambiances végétales très différentes, liés, d’une part, à la géologie et, d’autre part, aux usages historiques de l’île qui a été très exploitée : charbon de bois, agriculture, etc.

D’un point de vue géologique, l'île du Levant, comme le reste de l'archipel d'Hyères et le Massif des Maures, est constituée de roches cristallines (substrat acide, contrairement à l'essentiel de la Provence présentant des roches calcaires). Ceci constitue bien sûr un facteur majeur sur la végétation et la flore.

« En fait, les îles se sont détachées du massif des Maures qui était – il y a 30 millions d’années - une énorme montagne reliant les Baléares, la Corse, la Sardaigne et les îles d’Hyères. Ce massif dit protoligurien était très haut, avec des sommets d'environ 5000 mètres. Après la formation de la Corse et de la Sardaigne par détachement de micro-plaques de ce massif protoligurien, les îles d'Hyères se sont individualisées à l'ère quaternaire par séparation d'avec le massif des Maures. Si l'on observe une carte géologique, on constate que les strates géologiques se poursuivent entre le massif des Maures et les îles d’Hyères, avec une correspondance parfaite de part et d'autre du bras de mer qui les sépare.

Si je connais bien le sujet, c’est parce que j’y ai consacré ma thèse de doctorat en 1989 intitulée « La flore des îles d’Hyères : étude des rapports phytogéographiques et biosystématiques avec les Maures et la Corse ».

Qu’est-ce qui caractérise le patrimoine naturel du Levant ?

« Le Levant, aujourd’hui, c’est une île très végétalisée avec beaucoup de maquis haut, constitué de filaires et d’arbousiers, mais peu de grands arbres. Il n’y a pas de forêt, juste quelques pins. La déforestation est liée aux usages humains historiques.

L’île a été très exploitée à l’époque du bagne des enfants, avec l’usine de soude et le travail de la bruyère pour la fabrique de pipes de Cogolin.
En ce qui concerne les espèces floristiques, il y a un fonds commun entre les îles de l’archipel en raison de leur histoire paléogéographique. Mais chacune abrite des espèces endémiques, plus rares et caractéristiques.

Ainsi, les formations végétales propres à l’île du Levant sont liées au fait que c’est l’île qui présente le plus de milieux ouverts, avec le plus de pelouses botaniques naturelles.
On y trouve beaucoup d’espèces à fleurs sauvages intéressantes pour les insectes. Et parmi les espèces endémiques, on notera : le grand Chardon de Casabon (Ptilostemon casabonae) que l’on retrouve également en Corse et en Sardaigne. C’est une espèce qui a besoin de milieux très ouverts, très ensoleillés, très chauds... On la trouve dans la partie Est de l’île.

Il y a également la Germandrée de Marseille (Teucrium massiliense) que l’on observe sur les pelouses, c’est un buisson qui ressemble à du thym. Sa population est en danger, elle craint le débroussaillage et la fermeture du milieu. Outre ces deux espèces que l'on ne trouve qu'au Levant, on peut aussi rencontrer la Germandrée marine (Teucrium marum), qui pousse également à Port-Cros et Bagaud, la Dauphinelle de Requien (Staphisagria picta), endémique des trois principales îles d'Hyères et deux autres espèces endémiques, la Romulée de Florent (Romulea florentii) et la Romulée de l'Assomption (Romulea assumptionis).

Ptilostemon casabonae
Les missions du Parc au Levant

« En partenariat avec la Direction générale de l'Armement (DGA), avec laquelle le PNPC vient de passer une convention de partenariat, l’essentiel des missions du Parc national sur l’île du Levant consiste en des inventaires naturalistes et la sensibilisation des militaires sur la préservation des nombreuses espèces patrimoniales. Après nos premières campagnes des années 1990, nous avons engagé des missions plus scientifiques et mieux structurées, avec des botanistes du Parc national, du Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles et de l'association Inflovar sur la cartographie des habitats et sur les inventaires de flore vasculaire. Cet effort de prospection nous a notamment permis de relever des espèces nouvelles, en particulier la découverte en 2004 d’une espèce nouvelle pour la France : la Romulée de l’Assomption, que l’on pensait présente uniquement aux Baléares. On l’a identifiée au Levant et ensuite à Port-Cros en 2011. Depuis environ 2 ans, des inventaires supplémentaires sont conduits sur les lichens, les mousses, les plantes exotiques envahissantes. Dans le cadre de ce partenariat, des inventaires sur la faune sont également conduits et des suivis de la population de Puffins yelkouan par le PNPC et ses partenaires. »

Le double rôle des îles

« L'extrême intérêt biologique de l'archipel des îles d'Hyères illustre bien la spécificité des îles qui ont à la fois un rôle de conservatoire des espèces rares, mais aussi un rôle novateur

du point de vue de l’isolement génétique qui favorise l’apparition de nouvelles espèces issues de souches anciennes. Les îles ont ainsi un rôle très particulier, elles sont à la fois des conservatoires et des laboratoires. »

E.Pouquet

1. Atlas-catalogue de la flore vasculaire du Var, 2021, Association Inflovar/Conservatoire botanique national méditerranéen/Editions Naturalia Publications.

 

Un nouveau dispositif du Parc national

Médiateurs de terrain, les écoguides ont mené cet été leur mission de sensibilisation

Depuis 2016, au-delà de ses cœurs (Port-Cros et Porquerolles) le Parc national de Port-Cros participe à la préservation des patrimoines naturels et culturels sur son aire d'adhésion1 et son aire maritime adjacente2. C’est dans ce contexte que le programme Écoguides a vu le jour. « L’objectif principal, explique Joyce Rapiteau, coordinateur du programme, est d’apporter un renfort d’animation afin d’informer, sensibiliser, éduquer et par conséquent accroître la présence et le nombre d’actions du Parc national de Port-Cros sur l’ensemble de son territoire… Informer et sensibiliser sur la richesse et la fragilité de ce territoire littoral et maritime, mais aussi mobiliser les citoyens pour sa préservation.

« Ce programme3 est conduit en étroite collaboration avec les nombreux acteurs locaux (bases nautiques, associations, sentiers sous-marins, marqués Esprit Parc, etc.) et usagers du territoire et du Parc national. Les publics cibles sont : les usagers du littoral, touristes adultes et enfants, habitants, pratiquants de sports aquatiques comme terrestres, professionnels du territoire, agents des communes signataires de la charte, associations, etc. »

Les éco-guides du Parc national de Port-Cros

De juin à septembre

Ce nouveau dispositif a donc été mis en place cet été sur le territoire continental du Parc national. Il permet de soutenir les actions conduites dans les cœurs par les gardes moniteurs, en amont des visites.
Ainsi, de fin juin à début septembre, trois binômes (constitués chacun d’un agent en CDD + d’un intervenant associatif) ont conduit des actions de terrain, à terre et en mer, pour informer et sensibiliser les publics. Les associations qui ont participé au dispositif sont : le CIETM (Centre d‘initiatives pour l‘environnement du territoire des Maures et alentours), Les Petits débrouillards Paca ; le Naturoscope, les Balades de Charlotte, Planère Sciences Méditerranée et Natura Maris.

Les équipes d’écoguides ont mené à bien leur mission sur le territoire des communes de Ramatuelle, La Croix-Valmer, Hyères, La Garde et Le Pradet...

Elle a consisté plus précisément à :

  • Rappeler les règles de bonne conduite, précautions d’usage et réglementation (Notamment sur les risques incendie, ZMEL/Éconavigation, etc.) ;
  • Participer à divers événements et manifestations (animation de stands, conférences, etc.)
  • Distribuer les plaquettes et la documentation du Parc national dans les structures du territoire recevant un public touristique ;
  • Organiser, animer et/ou accompagner diverses actions d’éducation à l’environnement et au développement durable (Classes découvertes, campagnes de sensibilisation, sorties découvertes, sciences participatives…) ;
  • Et, plus ponctuellement : participer à des observations et récoltes de données de terrain (Topographie, fréquentation, infractions, données naturalistes, suivis scientifiques) et les faire remonter au chef d’équipe.

Trois pôles d’intervention

Les interventions ont été organisées autour de trois pôles :

  1. Les animations (maraude, ateliers, stands, questionnaires, présentation de documents, etc.) menées sur les plages, les sentiers sous-marins, les sentiers de randonnées ; dans les centres de loisirs ; sur des évènements, avec participation à la campagne Inf’eau Mer et interventions avec des partenaires marqués (Brigantin, Mine du Cap Garonne, Kayak Club du Pradet…). Elles ont représenté 44 jours d’animation avec 2 binômes sur le territoire du Parc national entre le 1er juillet et le 31 août, sur 37 lieux différents, et auprès d’environ 5 500 personnes qui ont été informées et sensibilisées.
  2. La campagne Éconaviguer qui vise à distribuer le Kit éconaviguer aux loueurs de bateaux, capitaineries, bases nautiques et plus largement aux structures qui ont un rapport avec l’utilisation du plan d’eau.
  3. La prévention incendie qui a consisté à faire de la prévention sur la thématique - décrétée “Grande cause du Parc national” pour 2022 - en particulier au niveau du port d’Hyères, et en partenariat avec la Garde régionale forestière.

Pérenniser et étendre le dispositif

« D’un point de vue général, conclut Joyce Rapiteau, nous avons eu d’excellents retours. Aussi bien de la part du grand public que des professionnels et des partenaires marqués Esprit Parc national. Les sujets abordés sont intéressants, utiles et les thèmes très variés. La documentation a été très demandée et la présence d’agent du Parc très appréciée. De nombreuses structures, acteurs et partenaires souhaitent ainsi voir ce dispositif revenir sur le territoire. On peut donc en conclure que le programme des Écoguides 2022 présente une réelle pertinence. Il permet un vrai renfort de sensibilisation, d’information et génère une augmentation de la visibilité du Parc national de Port-Cros sur son territoire, en aire d’adhésion, comme dans l’aire maritime adjacente. »

« Nous avons donc pour objectif de pérenniser ce programme et d’étendre son ampleur (durée et nombre d’agents recrutés). L’année 2022 était une année de lancement du programme, elle nous a permis de connaitre les axes d’amélioration nécessaires pour une efficacité accrue du dispositif. »

1. Composée des cinq communes signataires de sa charte : Hyères, La Garde, Le Pradet, La Croix Valmer et Ramatuelle. L’aire potentielle d’adhésion en compte onze au total (de La Garde à Ramatuelle)
2. Transposition en mer de l’aire potentielle d’adhésion qui couvre l’espace marin au droit des onze communes jusqu’à 3 milles marins au sud des îles.
3. Financé par le mécenat de la TotalEnergies Foundation, de l’Agence de l’eau et d’autres partenaires.